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Rencontre avec Alain Finkielkraut

Cours HSS avec Alain Finkielkraut invité par Michaël Foessel

« LA CULTURE CÈDE LA PLACE AU CULTUREL »

 

Le philosophe et essayiste Alain Finkielkraut, agrégé de lettres modernes et professeur émérite à l’École polytechnique, dresse un état des lieux de la culture en France. Trente-cinq ans après La Défaite de la pensée, l’académicien français décrit et dénonce l’âge de l’après littérature qui ouvre la voie au triomphe des idéologies de la table rase. Il souligne le rôle irremplaçable de la littérature dans l’éducation des âmes et dans la formation d’une culture authentique.

 

Guillaume de Prémare — En 1987, vous achevez La Défaite de la pensée par ces mots : « Et la vie avec la pensée cède doucement la place au face-à-face terrible et dérisoire du fanatique et du zombie. »

 

Aujourd’hui, vous décrivez un monde post-littéraire, qui a congédié la compréhension de ce qu’il est parce que « la littérature a cessé d’éduquer les sensibilités et de façonner les âmes ». De La Défaite de la pensée à L’Après littérature, comment caractérisez-vous cette période de trente-cinq ans qui a conduit à une forme d’éclipse civilisationnelle ?

 

Alain Finkielkraut — J’ai écrit La Défaite de la pensée parce que j’avais été très impressionné par un article de Milan Kundera, intitulé « Un Occident kidnappé – Ou la tragédie de l’Europe centrale », paru en novembre 1983 dans la revue Le Débat. Ce texte a bouleversé ma vision du monde sur tous les plans. Kundera explique notamment que l’Europe a d’abord été chrétienne, puis qu’à l’aube des temps modernes, Dieu s’est caché ; et l’Europe a fait son unité, non plus autour d’une foi commune, mais autour de la culture. Par l’importance qu’ils accordaient à la culture, les Européens reconnaissaient qu’ils formaient entre eux une civilisation particulière. Puis, au terme de ce texte, Kundera constate que la culture finit par céder la place à autre chose. Il se pose alors la question de savoir à quoi elle cède la place. Il émet certaines hypothèses, sans donner de réponses tranchées. Or cette question, depuis la lecture de cet article, m’a hanté, m’a poursuivi. C’est en quelque sorte pour tenter d’y répondre que j’ai écrit La Défaite de la pensée.

 

G.P. — Quelle réponse apportez-vous alors ?

 

A.F. — Après beaucoup de tâtonnements, j’ai considéré que la culture cédait la place à son homonyme : le culturel. Cette hypothèse a été politiquement confirmée en 1988 par le président sortant et candidat à sa succession, François Mitterrand, qui, après avoir assisté à un certain nombre de discussions, donnait raison à la formule de son flamboyant ministre des Affaires culturelles, Jack Lang : « Tout est culture. » Or, si « tout est culture », rien ne demeure de la grande distinction pascalienne des ordres : l’ordre de la chair, l’ordre de l’esprit et l’ordre de la charité. […] Commandez le numéro 588 de Permanences pour découvrir l’intégralité de l’entretien avec Alain Finkielkraut