La campagne avait bien commencé.
La primaire de droite n’avait pas échoué dans le piège que nos partis politiques en mal de leadership lui tendaient. Le débat avait été courtois et avait même parfois permis d’évoquer les sujets importants. La participation avait été au rendez-vous. Les électeurs de droite comme les candidats avaient été à la hauteur. Sans faire émerger un homme neuf, les résultats des urnes avaient donné la légitimité à celui que la voix populaire avait préféré aux injonctions médiatiques… La droite montait à la présidentielle avec un véritable projet de réformes et une certaine vision de la société.
La primaire de gauche avait, elle aussi, échappé à l’échec qui lui était assurée. Si l’on oublie les errances sur les chiffres de la participation, les résultats étaient honorables. Le quinquennat passé aurait pu la condamner à mort, la gauche est sortie des urnes en donnant l’impression qu’elle était encore capable de gouverner avec un véritable projet présidentiel…
Nous avions donc les ingrédients pour rêver à une campagne électorale qui tienne la route. Les cinq candidats principaux auraient pu nous offrir des débats, projet contre projet. Mélenchon, Hamon, Macron, Fillon, Le Pen… 5 candidats principaux, 5 visions différentes de la société.
La campagne promettait d’être belle. Notre pays en crise le méritait car nous savons tous qu’il ne tiendra pas cinq années de plus sans des réformes politiques, économiques et sociales de grande ampleur. Les électeurs auraient pu véritablement choisir les fondements anthropologiques sur lesquels ils veulent fonder la France de demain.
Notre système est à bout de souffle. Nous nous replions sur des « communautés tribales fermées », comme le dit le philosophe Michel Onfray. Nous aurions pu espérer que cette campagne électorale serait l’occasion de remettre une pièce dans la machine, non pour allonger encore son agonie, mais bien pour en changer les rouages un par un, sans passer par la case violente de la chute de notre civilisation. La campagne électorale était bien partie pour donner tort au philosophe, déconstructeur de mythes qui, dans son dernier livre, Décadence, affirme qu’il est impossible de faire quoi que ce soit pour sauver une civilisation.
Certes, la France n’est pas une civilisation à elle toute seule et la description sans espoir que fait Michel Onfray est à l’échelle de la civilisation judéo-chrétienne et non d’un pays. Mais la France aurait alors pu être celle qui choisit son destin et rappelle aux peuples aujourd’hui souverains, que c’est possible….
Mais ce n’était qu’une illusion. La campagne a dérapé sous l’impulsion d’un canard déchaîné.
Depuis quelques semaines, la campagne vit au rythme des révélations. Emploi fictif pour salaire réel, conseil imaginaire pour facturation efficiente. Le favori ne parvient pas à se libérer des sorties médiatiques sur ses entraves parlementaires. Nos journalistes ne peuvent dépasser la question devenue rengaine médiatique « Comment peut-il relancer sa campagne ? » Le prénom de son épouse est devenu le nom commun pour réduire un candidat à des casseroles qui en sortant de la cuisine sont devenues les gamelles qui pourraient signifier sa chute.
Quant au petit enseignant socialiste qui peinait à trouver une légitimité réelle dans sa famille politique, il avait commencé malgré tout à parler de son programme. Mais les médias ont préféré compter les désaffections. Les petits copains écologistes n’ont pas la fidélité naturelle : un bien pour soi vaut souvent mieux qu’un bien pour plus grand que soi ; d’autant que le petit enseignant est talonné sur sa gauche par un candidat au don de bilocation dont on se demande si l’hologramme ne serait pas le double révolutionnaire qui veut détruire le système dans lequel le candidat réel joue en respectant les règles*.
Et l’homme sans programme, qui veut nous faire croire qu’il vient de partout, mais surtout pas du système, nous ballade d’une contradiction à l’autre. Il a toutes les faveurs de nos journalistes sans que l’on sache vraiment ce qu’il veut faire.
La fille de son père n’a donc plus qu’à ramasser les scoops médiatiques sur ses concurrents pour les transformer, sans effort, en bulletins dans les urnes. Il ne faudrait pas que la fille prenne trop confiance en elle, alors une petite perquisition bien médiatique fera l’affaire.
Les médias nous gavent de scandales qui n’en sont plus au regard de celui d’une campagne électorale qui s’astreint à éviter les sujets fondamentaux.
Nous pouvons dès aujourd’hui annoncer les résultats de ces élections présidentielles qui, pourtant, n’ont pas encore officiellement commencé : la France a perdu. 2017 sera l’année des désillusions.
Alors, cher Auditeur, si toi, comme moi, tu ne veux pas que 2017 soit l’année qui signe l’acte de décès de notre pays, il est temps que nous aussi nous entrions en politique. Retroussons nos manches et rebâtissons notre pays, chacun à l’échelle des pouvoirs qui sont les nôtres. Car c’est en local que tout va se jouer. Mettons nos actions au service de la cité !
Enfin, j’dis ça ; j’dis rien !
Clotilde Brossollet
Chronique diffusée sur Radio Espérance le jeudi 23 février.
*Dimanche 5 février, Jean-Luc Mélenchon a tenu deux meetings à la fois : un à Lyon où il était présent et un à Paris où il était représenté par son hologramme.